Cet étonnant boitîer, à peine plus gros qu’une calculatrice de bureau, est une authentique table de montage vidéo. De conception tout à fait révolutionnaire, capable de piloter toutes les fonctions des deux magnétoscopes nécessaires à cette opération, la table de montage Hama Videocut 10 bouscule la frontière entre les matériels amateurs et professionnels. Nul doute que l’arrivée du Videocut Hama 10, suive de son cadet le 20, ouvre la voie à une nouvelle génération de matériels.
Christian Bernard – Avril 1988
Beaucoup plus facile qu’en cinéma, le montage vidéo est à la portée de l’amateur. Les nouveaux petits pupitres de montage électronique font du montage des cassettes vidéo, une activité aussi passionnante et aussi gratifiante que la prise de vues. Une cassette vidéo enregistrée avec un camescope se compose d’une série de prises de vues effectuées bout à bout, sans rythme entre les séquences, avec certaines imperfections, des longueurs, des répétitions, des images floues… Pour en faire un document attrayant, il est nécessaire de sélectionner les images les plus intéressantes, assembler les séquences retenues dans un ordre qui n’est pas forcément celui de la prise de vues, de faire des insertions. En un mot, de réaliser le montage de ce qu’on appelle en cinéma les rushes. C’est d’ailleurs très exactement ce que font les professionnels.
En vidéo, il est impossible de réaliser un montage de type cinéma en coupant et en collant des morceaux de bande magnétique. Cela serait très dangereux pour les têtes vidéo très miniaturisées tournant à une vitesse de l’ordre de 1500 tours/minute pour permettre un défilement de bande d’environ 5 mètres par seconde. Une coupure au milieu de la bande magnétique entraînerait d’autre part une perte de synchronisation de quelques secondes entre deux séquences. En effet, les pistes qui servent à l’enregistrement des images sont placées très en oblique, par rapport à l’axe de la bande, et sont juxtaposées sans aucun espace entre elles. Pour que le montage soit invisible, il faut que la première piste du deuxième plan à raccorder soit synchronisée avec la dernière piste du plan précédent. La seule solution consiste à procéder à un montage « électronique » des différentes séquences vidéo à assembler par copie sur une cassette vierge.
Le montage se réalise à l’aide de deux magnétoscopes, ou un magnétoscope et un camescope. L’un est utilisé comme lecteur et permet de visionner et de sélectionner les séquences à assembler, l’autre comme enregistreur. Il n’est pas nécessaire que les deux appareils appartiennent au même format, ni au même standard. On peut par exemple utiliser un camescope 8 mm en lecture et un magnétoscope VHS en enregistrement. Il est même possible d’associer à un appareil lecteur 8 mm ou VHS, un magnétoscope enregistreur de type professionnel au format 3/4 U-matic, BVU ou même 1 pouce. C’est ce que font par exemple les chaînes de télévision pour monter des reportages tournés en 8 mm aux normes de diffusion TV. Il est possible aussi d’effectuer un montage en SECAM de cassettes enregistrées au standard PAL (les 8 mm par exemple) avec un modèle PAL en lecture et un magnétoscope enregistreur doté d’un transcodeur PAL/SECAM.
Le raccordement des deux magnétoscopes peut se faire de deux manières, par liaison UHF ou par prises audio-vidéo. Dans le premier cas, il suffit de raccorder le câble de liaison à la sortie « antenne » du magnétoscope lecteur, à l’entrée « antenne » du magnétoscope enregistreur. On utilise la sortie « antenne » de ce dernier pour la liaison avec l’entrée « antenne » du moniteur de télévision, nécessaire pour le contrôle des opérations de montage. Dans ce type de liaisons UHF, les signaux provenant du modulateur du magnétoscope lecteur sont captés par le tuner de l’appareil enregistreur.
Les liaisons audio-vidéo permettent de prélever les signaux audio et vidéo directement à la sortie des circuits de lecture. Cela évite les phases de modulation et de démodulation, sources d’altération des signaux. Les enregistrements réalisés sont de meilleure qualité avec des images plus contrastées, plus fines, et une diminution du souffle pour la partie audio. Les liaisons s’effectuent entre les sorties et entrées vidéo et audio par deux câbles respectifs, la connexion avec le téléviseur par la prise péritel.
Il existe deux méthodes de montage vidéo, l’une qui consiste à relier les plans sélectionnés les uns à la suite des autres : c’est le « montage par assemblage » ; l’autre qui consiste à remplacer certaines séquences d’un enregistrement par de nouvelles images: c’est le « montage par insertion ».
Pour réaliser un assemblage de séquences sans décrochage d’image, il faut utiliser les commandes de pause en enregistrement. Cette fonction stoppe le défilement, mais n’arrête pas la rotation des têtes vidéo qui sont maintenues à une vitesse constante. La pression de cette touche a aussi pour effet de faire revenir la bande légèrement en arrière de quelques images. Actionnée de nouveau, la touche Pause fait redémarrer le magnétoscope qui se met d’abord rapidement en position de lecture pour se synchroniser avec les pistes vidéo de la précédente séquence enregistrée avant de passer en enregistrement.
Dans le cadre d’un montage par assemblage, la première opération consiste à choisir les « points de montage» de départ et de fin de chaque séquence, et à les recopier au fur et à mesure en utilisant les fonctions Pause lecture et Pause enregistrement des deux appareils. Il est souvent préférable de démarrer l’appareil lecteur quelques secondes avant le point de départ repéré, pour que l’image de lecture soit parfaitement stabilisée au moment où commence l’enregistrement. Si un décrochement de l’image s’est produit au cours d’un raccord, il est toujours possible de recommencer l’enregistrement. La fonction d’avance par image permet de repérer avec précision l’endroit où s’est produit le scratch pour l’éliminer.
Le montage par insertion permet de remplacer certaines séquences d’une cassette vidéo par de nouvelles images enregistrées directement par le magnétoscope enregistreur, ou à partir d’images en lecture sur un autre appareil. Certains magnétoscopes disposent de la fonction d’insertion automatique, qui leur permet d’enregistrer les nouvelles images en utilisant les signaux de synchronisation de celles qui ont été effacées. Cette fonction garantit une parfaite synchronisation aux points d’incrustation.
Pour simplifier les opérations de montage, certains fabricants ont conçu de petites tables de montage qui permettent de télécommander en synchronisme les fonctions de lecture et d’enregistrement des magnétoscopes. Malheureusement, l’absence de normalisation entre les constructeurs des prises de télécommande limite leur utilisation à quelques modèles. Au niveau professionnel, les fonctions des magnétoscopes de lecture et d’enregistrement sont pilotées par ordinateur. La société Hama vient de commercialiser sur le marché français un système de montage vidéo tout à fait révolutionnaire. Le Vidéocut 10 se présente comme un petit boîtier très léger d’une trentaine de centimètres de long, de moins de 20 cm de large et de 3 cm d’épaisseur. Par son aspect, il évoque une calculette surdimensionnée. Il ne comporte pas moins de cinquante touches de fonction et un écran à cristaux liquides de 15×4 cm. Ce petit pupitre de montage se raccorde à un camescope ou à un magnétoscope qui sera utilisé en lecture grâce à un connecteur quatre broches Sony ou cinq broches Bauer. La liaison avec le magnétoscope enregistreur s’établit à distance grâce à une petite cellule qui se place devant le récepteur infrarouge du magnétoscope. Grâce à son microprocesseur intégré, le Vidéocut Hama peut piloter toutes les fonctions des deux magnétoscopes telles que recherche rapide, arrêt-image, lecture-pause, pause d’enregistrement, faire l’assemblage et de la copie directe. Les informations des compteurs de bande lui sont transmises directement. L’affichage LCD renseigne en permanence sur l’état de fonctionnement des deux magnétoscopes, et permet de visualiser à chaque instant toutes les données du montage.
La première fonction du Vidéocut est de permettre, en visionnant la cassette d’origine, de choisir les points d’entrée et de sortie des séquences à conserver avec une précision de ± une image. Chaque séquence est identifiée par un numéro d’ordre, les temps de début et de fin et les numéros d’image. Toutes ces indications sont mémorisées. Il est possible de conserver en mémoire jusqu’à cinquante séquences. Le Vidéocut permet de visionner intégralement le montage réalisé, ou seulement une séquence avant d’effectuer l’enregistrement automatique.
Toutes les corrections de montage sont possibles avec le Vidéocut : modification de durée d’une séquence en affichant le temps supplémentaire désiré, modification de l’ordre d’assemblage, effacement, insertion. Pour l’exécution de chaque opération, un dialogue s’établit avec la machine, comme avec un micro-ordinateur, par l’intermédiaire de l’écran LCD.
Produit de la micro-électronique « Hi-tech », le Vidéocut Hama a été conçu pour permettre de réaliser sans connaissance particulière, le montage des cassettes enregistrées avec un camescope, en éliminant tous les passages inutiles, en alternant les scènes pour donner de la vie et du rythme aux images, en opérant une chronologie séquentielle. Hama a voulu faire de ce pupitre de montage une machine compatible avec le plus grand nombre possible de magnétoscopes et de camescopes, quels que soient les marques, les formats et les standards. En réalité, le Vidéocut 10 ne peut se raccorder qu’aux camescopes dotés d’une télécommande fournissant un signal de comptage de bande, et comportant les fonctions d’assemblage, d’insertion et d’avance image par image. Actuellement, dix-neuf camescopes ou lecteurs 8 mm, essentiellement Sony et dérivés, Fuji, Sanyo, Chinon et Bauer peuvent être utilisés en lecture. La VM-2 Canon pourrait l’être à partir du mois de mars. Pour l’instant, aucun camescope VHS n’est compatible avec le banc de montage Hama en raison de la nature des prises de télécommande équipant les modèles fabriqués par JVC et Hitachi qui ne permettent de piloter que les fonctions Enregistrement et Pause. Selon la direction d’Hama-France, un prochain modèle de camescope JVC pourrait être équipé d’une prise compatible.
En ce qui concerne les magnétoscopes utilisables en enregistrement, soixante-quinze modèles sont compatibles, parmi lesquels une large gamme de modèles JVC et Panasonic ainsi que différents modèles Philips, Grundig ou Telefunken. L’absence de normalisation entre les différents fabricants de camescopes et de magnétoscopes empêche d’envisager, dans l’état actuel des choses, un banc de montage amateur vraiment universel. Nous avons testé le Vidéocut 10 Hama avec un camescope Bauer VCC 816 AF en lecture, et un magnétoscope JVC HDR 370 en enregistrement relié à un téléviseur Sony. L’installation est élémentaire et ne demande que quelques minutes. Le pupitre de montage est alimenté par la source vidéo. Les numéros de code du camescope et du magnétoscope indiqués dans le listing des appareils compatibles sont entrés dans le Vidéocut et validés. La touche Imit remet automatiquement les deux appareils en début de bande et les compteurs à zéro. Le système est prêt à fonctionner. Par précaution, on laisse défiler les deux premières secondes, et on se met en Play. Le montage peut commencer. La sélection des séquences se fait par la touche Programme. Une première pression détermine le point d’ouverture, une seconde le point de fermeture de la séquence à assembler. L’écran LCD indique alors par exemple In 34 10 Out 44 13 Programmee 01. Ce qui signifie que cette première séquence commence à 34″ à la dixième image, et qu’elle se termine à 44″ à la treizième image. On peut alors procéder au contrôle de la séquence en pressant la touche Single Preview, ou ne demander que le preview du début d’ouverture ou du point de fermeture. Si la durée de cette séquence paraît insuffisante il suffit d’afficher le temps que l’on souhaite ajouter et de valider avec les touches Edit In, Edit Out.
Cette méthode de programmation permet de sélectionner très rapidement les séquences d’une ou plusieurs cassettes différentes pour l’assemblage final. Pour avoir une idée précise du plan de montage, il est bon, si l’on fait un montage de plusieurs cassettes, de répertorier dans un tableau les indications de temps et le numéro d’ordre de chaque séquence. Des plans de montage sont livrés avec le pupitre. Le programme du montage est ainsi visualisé.
La place d’une séquence dans le programme peut être facilement modifiée en actionnant les touches Copy et +1 ou -1. Le changement est visualisé dans l’afficheur ; par exemple le passage de la cinquième séquence en troisième position sera indiqué de la façon suivante : 03 12345 05. Autre possibilité : l’inversion de séquences. Il suffit de placer le curseur sur l’une des deux séquences à permuter, d’appuyer sur Change et de valider.
Le banc de montage numérise toutes les données de la programmation et permet d’apporter à chaque instant des modifications. Parmi les changements possibles figure l’annulation d’une séquence par la touche Delete. On crée ainsi un espace qui pourra être comblé par l’insertion de nouvelles images. Lorsque le montage est entièrement programmé, la fonction Preview permet de le visionner avant de l’enregistrer. Il est aussi possible de l’interrompre à tout moment et de le continuer plusieurs jours ou plusieurs mois après. Toutes les indications auront été conservées en mémoire…
Le montage électronique s’effectuant avec une extrême précision, le Vidéocut permet de régler le preroll, c’est-à-dire le léger temps d’inertie du magnétoscope pour passer de la position pause à celle d’enregistrement. Ce temps de réaction est en effet un peu plus long avec les appareils plus anciens. Tout a été prévu, même les fausses manœuvres. La touche Break est là pour effacer les manipulations erronées, et pour l’annulation du programme il suffit de taper deux fois Clean Memory.
La lecture de la cassette montée permet de vérifier l’extrême précision des assemblages, l’absence complète de déchirure. Le montage son est aussi net que celui de l’image. On ne constate aucun flottement. Tout a été réalisé avec la précision de l’ordinateur.
Le fabricant livre avec l’appareil un manuel très complet. Nous avons servi de cobaye et avons dû déchiffrer une notice en allemand, un exercice qui s’est révélé être plus difficile que la programmation elle-même… Hama doit commercialiser le Vidéocut dès la fin janvier avec une notice en français à un prix indicatif proche de 10.000 F. Les indications de fonction resteront en langue anglaise. Simple question d’habitude.
Hama a développé un deuxième type de pupitre de montage qui fonctionne comme des bancs de montage professionnels avec le time-code. Le time-code (ou code temporel) est un système qui permet d’identifier chaque image par un ensemble de chiffres indiquant l’heure, la minute, la seconde, le numéro d’image, entre 1 et 25, et un numéro d’identification de la bande. Depuis quelques années, est apparu un nouveau type de code, le VITC (Vertical International Time Code), dont les signaux sont incorporés au signal vidéo. Le time-code permet de synchroniser plusieurs magnétoscopes entre eux, ainsi que des magnétophones, et de les piloter par des systèmes informatisés.
D’aspect et d’utilisation identiques au Vidéocut 10, le Vidéocut 20 Hama permet d’effectuer le même type de programmation de séquences avec une capacité de mémorisation accrue de cent séquences. L’équipement de base comprend un générateur de code VITC qui se fixe sur le boîtier de la caméra pour le marquage de la bande. Ce générateur est utilisable avec tous les camescopes et caméras vidéo dotés d’une prise pour générateur de caractères.
Le Vidéocut 20 assure la fonction d’un ordinateur de montage. Son fonctionnement par code temporel normalisé (smpte/EBU) garantit une précision de montage à l’image près. En option, le Vidéocut 20 peut recevoir une sortie pour l’enregistrement et la conservation des programmes de montage sur minicassette. La frontière entre les équipements vidéo amateur et professionnel se fait de plus en plus étroite.
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